lundi 29 juin 2009

Chine - Etats-Unis: vers une résolution?


Nous l'évoquions il y a quelques jours, des tensions maritimes ont émaillées les relations entre Etats-Unis et Chine lors des derniers mois. Plus exactement, depuis 2006 et le "pistage" du groupe aéronaval du Kitty Hawk par un sous-marin chinois. Des négociations sont en cours depuis quelques semaines et visent à désamorcer une situation relativement explosive entre les deux pays. Non pas que l'on pourrait imaginer une guerre imminente, issue d'un scénario à la Tom Clancy, mais il convient de noter que ces poussées de fièvre entre els deux marines empoisonnaient les relations entre els deux puissances. Réaffirmant qu'elle ne voyait pas la Chine comme un adversaire, l'Amérique informe, par le biais de la sous -secretaire d'Etat Michele Flournoy, qu'il s'agit de mettre en oeuvre une relation "transparente" entre les deux Etats. Il a donc été convenu par les deux pays de coopérer afin d'éviter de nouveaux acrocahges entre les deux marines. D'autres pourparlers auront lieu le mois prochain.

Cette initiative louable est - comme le remarque de nombreux analystes - la conséquence d'une énième situation de crise dans la péninsule coréenne. En effet, les Etats-Unis compte sur la Chine pour exercer une pression continue sur le régime de Pyong Yang. Pourtant, en s'intéressant de plus près au régime de Kim Jong Il, nous pouvons remarquer que la Chine exerce de moins en moins d'influence sur la Corée du Nord. Parce que Pékin semble excédée par les provocations incessantes de Pyong Yang, mais aussi parce que le régime Nord Coréen ne semble plus être dissuader par la puissance chinoise.
Pourtant, en voulant s 'affirmer comme un acteur de premier ordre sur la scène internationale, la Chine se retrouve dans l'obligation quasi-permanente d'assurer son rôle de puissance au niveau régional. Et cette obligation peut poser un problème pour pékin. Si la Chine veut apparaître comme une puissance, elle doit être capable de jouer sur les deux tableaux (militaire et diplomatique) et de els concilier. Dans ces circonstances, le déploiement de la marine chinoise devra se faire suivant une autre modalité, comme celle développée en ce moment dans le cadre de la coopération internationale visant à éradiquer la piraterie au large de la Somalie.


* photo: le déploiement chinois dans le cadre de la mission anti-piraterie dans le golfe d'Aden, source: http://gcaptain.com/maritime/blog/historic-mission-for-chinese-navy/
** J'avais l'intention de parler des pêcheurs chinois détenus par l'Indonésie, mais plus le temps passe, et plus je me dis qu'il va falloir consacrer tout un dossier aux disputes territoriales - qui alimentent grandement ce blog.

mardi 23 juin 2009

Sous-marin anaérobie: un bouleversement stratégique pour l'Asie Orientale?


Les récents achats de sous-marins anaérobies par les Etats asiatiques sont ils susceptibles de bouleverser l'équilibre des forces dans la région? C'est la question que pose Richard Bitzinger, chercheur invité à la Rajaratnam School of International Studies (RSIS) de Singapour (voir ici pour le document dans son intégralité).

Tout d'abord, qu'est-ce qu'un sous-marin anaérobie? Derrière ce nom barbare se cache un système de propulsion semblable à celui des sous-marins classiques (diesel electrique), comportant cependant une différence majeure: le système peut fonctionner un certain temps sans avoir accès à l'air extérieur (comme c'est le cas pour les diesel/electrique "classiques"). Pour faire simple, un sous-marin classique doit remonter à l'immersion afin de faire fonctionner un moteur diesel qui va recharger ses batteries. Avec l'anaérobie, le sous-marin peut rester plus longtemps à l'immersion, et devient donc moins vulnérable (pour les informations techniques, ce site est relativement clair).

Dans son analyse, Bitzinger pense que, sans totalement bouleverser l'équilibre des forces dans la région, ce nouveau type de submersible peut, à terme, poser problème. Si ces sous-marins sont moins detectables, ils sont aussi moins rapides. Dans cette perspective, l'usage que peuvent en faire les marines de guerre connaît ses limites. Pour l'instant, Singapour et la Corée du Sud ont fait l'acquisition de ce type de sous-marin. A terme, d'autres clients pourraient se faire connaître dans la région. A juste titre, Bitzinger insiste sur le fait que cette "proliferation" ne correspond pas à ce jour à une course aux armements.
Je rajouterais même qu'il s'agit de l'évolution que connaissent les marines de guerre asiatiques dans leur processus de modernisation. La diversification du matériel et l'acquisition de tels moyens peut par contre créer un climat d'anxiété stratégique. Ce concept, cher au analystes de la zone Asie-pacifique semble adapté pour décrire une large variété de situation dans la région. Par exemple, si la Corée du Sud décide de lancer un nouveau programe de destroye, le Japon, bioen qu'allié de Séoul, peut développer une certaine anxiété stratégique.

Dans le cas de l'Asie du Sud-Est, cette question se révèle particulièrement pertinente. Les difficultés à imposer une forme de coopération dans la région, les éternelles disputes territoriales sont des éléments susceptibles de cristaliser ces anxiétés stratégiques. D'autant plus que la plupart des pays sud-est asiatiques investissent une large partie de leurs budgets de défense dans leurs marines de guerre...

**/ photo: un sous-marin anaérobie sud-coréen aux côtés de l'U.S.S. Nimitz (source:http://www.defenseindustrydaily.com/)

dimanche 21 juin 2009

Ambalat, point sensible des relations entre Indonésie et Malaisie


Si Jakarta et Kuala Lumpur connaissent de nombreuses divergences d'opinions, les tensions territoriales entraînées par les revendications successives de zones maritimes ou d'ilots ne font rien pour consolider un climat de confiance passablement érodée. La dernière affaire en date est celle d'Ambalat. Cette région indonésienne, située sur l'île de Kalimatan (Bornéo) est en partie revendiquée par la Malaisie. Plus exactement, c'est une zone considérée comme faisant partie des eaux territoriales indonésiennes qui attire la convoitise de Kuala Lumpur.

Dès 1999, les deux Etats attribuèrent des concessions à différentes compagnies pétrolières, n'arrivant pourtant pas à s'entendre de façon définitive sur les limitations spatiales de ces dernières. Les conséquences sont sans appel: des incidents permanents entre les deux marines de guerre. Toutefois, un pas a été franchi cette année, avec en ce mois de juin, la riposte armée de la marine indonésienne, ouvrant le feu sur un patrouilleur malaisien. Chaque parti campe donc sur ses positions, même si il convient de noter que Kuala Lumpur semble plus à même de discuter: excuses du chef d'Etat-Major de la Marine malaisienne, proposition de patrouilles communes ( comme à Malacca?), etc.

Plus que l'aspect factuel de ces disputes territoriales, il convient de s'interroger sur la relative inefficacité du cadre légal international à régler ces questions. Si la coopération est prônée pour réduire les risques et appaiser les tensions, il s'avère que cette dernière reste difficile à mettre en place. Pour preuve, les accusations de Jakarta, concernant l'utilisation par la Malaisie d'un sous-marin à proximité de Sulawesi (Célèbes). Ce que nie bien évidemment Kuala Lumpur, arguant que le déploiement d'un sous-marin dans cette région pourrait endommager les récifs coraliens....
Au delà de cette question surgit celle du poids politique de l'armée en Indonésie. S'il ne fait aucun doute que les militaires disposent d'une influence non négligeable dans les sphères du pouvoir indonésien (voir les excellents ouvrages de Rémi Madinier, Stéphane Dovert et Andrée Feillard à ce sujet), ce sentiment paraît encore plus exacerbé quand il est question de revendications territoriales. Les forces armées influencent et parfois dépassent le processus de décision politique dans ce pays. Ainsi, il convient de s'interroger sur le rôle exact des TNI (forces armées indonésiennes) dans ces différents conflits. La caricature jointe dans à ce message l'évoque de façon limpide.
Concernant les revendications en tant que telles, n'étant pas un spécialiste du droit maritime, j'éviterais de m'avancer sur ce sujet. Toutefois, cette question des revendications territoriales s'affirme comme un facteur de risque de premier ordre pour la sécurité maritime dans la région. Il est alors indispensable d'analyser les intérêts des différents acteurs en présence, aussi bien au niveau intra qu'au niveau inter étatique.


** carte: les zones revendiquées par les deux pays. © quotidien indonésien Tempo.
dessin: © http://www.inilah.com . Le petit homme (politique indonésien, mais je ne suis aps convaincu qu'il s'agisse du président actuel, SBY) offre une partie du biscuit Ambalat à un Malaisien tout en déclarant à propos du militaire derrière lui (qui n'est autre que le chef d'Etat-Major) " voila un vilain garçon, n'est ce pas?". En arrière plan, un poster de Soekarno sur lequel il est inscrit "détruisons la Malaisie".

N.B.: Si vous possédez Google Earth, profitez d'une recherche sur Ambalat pour vous déplacer plus au Nord jusqu'à Sipadan . c'est ici que furent enlever les otages de Jolo par le groupe Abou Sayyaf. L'île de Jolo se trouve à 180 nautiques à l'est de Sipadan... ce qui peux vous laisser imaginer la maîtrise de certaines organisations dans les raids nautiques....

Un essai de missile nord-coréen sur Hawaï?


Le 18 juin dernier, le Yomiuri Shimbun, quotidien japonais, publiait sur son site un article inquiétant. La Corée du Nord se préparerait à un essai de missile pouvant toucher Hawaï. Plus que de s'inquiéter du sort des célèbres plages de Waikiki, le quotidien relate la préoccupation de la préfecture de Aomori de voir le dit missile survoler son territoire. Jusqu'ici, peu de rapport avec les questions de sécurité maritime. Pourtant, la suite de l'article (à consulter ici ) s'intéresse - de façon brève - à la composante maritime du la défense anti-missile.

Ce projet, porté par les Américains, reçoit un soutien considérable de la part des Japonais. Certains de leurs destroyers (qui correspondent plus à des croiseurs) sont équipés du couple SM-3/Aegis. Pour rappel, la participation japonaise au projet de défense anti-missile, estimée à 20 milliards de yens en 1999 (environ 150M€) a été revu à la hausse en 2006, atteignant alors 1000 milliards de yens ( 7.4 milliards €).

** photo: Tir d'un SM-3 par le Kongo ©www.defenseindustrydaily.com

vendredi 19 juin 2009

U.S. Navy - PLAN: acte V


Décidément, les relations entre les marines américaine et chinoise restent très susceptibles de connaître d'énormes variations. Lorsque l'Amiral Blair était encore Commandant en Chef des forces U.S. dans le Pacifique (PACOM), ce dernier développa une politique d'échange entre forces chinoises et américaines. Au gré des tensions, il devient délicat d'analyser quelle est la relation entretenue entre U.S. Navy et branche maritime de l'Armée Populaire de Libération (PLAN, en anglais). Dès 2001, l'accrochage entre un appareil de guerre électronique américain et un chasseur chinois ( ici )fut considéré - à juste titre - comme un frein dans les relations entre Washington et Beijing. En 2006, c'est un sous-marin chinois qui taquine le groupe aéronaval du Kitty Hawk, alors en transit au large d'Okinawa. Le même incident se serait reproduit en 2007, sans pour autant être réellement médiatisé ().

En 2008, le groupe aéronaval du Kitty Hawk se prépare à faire relâche à Hong-Kong, port que les autorités chinoises décident de fermer à l'approche de l'armada américaine (pour plus d'infos, voir là ). Un incident similaire se reproduira quelques semaines plus tard lors de l'arrivée d'une frégate américaine dans le même port. En réponse, le PACOM décida de faire transiter ses navires dans le détroit de Taiwan, donnant lieu à une vigoureuse protestation du pouvoir chinois.

Enfin, ces derniers mois, trois incidents maritimes sont venu émaillés la relation entretenue par Washington et Beijing:
- au mois de mars 2009, l'USNS Impeccable, navire de "recherche" américain est "harcelé" par des navires de pêches chinois à proximité de l'île de Hainan.
- au mois de mai,, la situation est identique, c'est au tour de l'USNS Victorious de se faire "harceler" par des bateaux de pêche chinois en Mer de Chine Orientale (Mer Jaune).
- Dernier évènement, la collision d'un sous-marin chinois avec le sonar remorqué du destroyer américain U.S.S. John McCain au large des Philippines.

Quelques remarques:
- Concernant les deux premiers incidents, Beijing accuse Washington de se livrer à des activités de renseignement dans la zone économique spéciale chinoise et à proximité de ses installations militaires. Pour les Etats-Unis, la Chine se livre à un harcèlement dans les eaux internationales. La nature même des navires américains concernés et de leur mission - la récupération de données acoustiques sous-marine) légitime la question. En contre-partie, la Marine chinoise n'en est pas à sa première provocation, et il ne serait pas étonnant d'apprendre que les "pêcheurs" chinois n'ont pas agit de leur propre chef*.
- Pour le dernier incident en date, difficile de considérer les marins chinois comme de mauvais navigateurs, capable de heurter n'importe quel sonar remorqué. Je ne suis pas spécialiste des moyens de détection, mais j'ai du mal à penser que l'équipage et le Commandant du sous-marin n'ai pas perçu le sonar. j'opterais plutôt pour une énième partie de chat/souris qui s'est mal terminée pour la PLAN.

Quelque soit les causes exactes de ces incidents, la relation maritime entre Chine et Etats-Unis reste délicate et promet de connaître de nouveaux rebondissements. Je parlerais à une autre occasion du cas de la Proliferation Security Initiative (PSI) et du renouveau de la Marine chinoise. Une chose est certaine, la croissance militaire chinoise est largement traitée par la littérature scientifique. il suffit de consulter les articles disponibles de nombreux think-tanks et autres Instituts de Recherche pour s'en convaincre. La Chine peut effrayer et faire rêver, voire mieux, elle peut permettre de vendre**...


*/ Je fais ici référence à la récupération politique de certains mouvements nationalistes et à leur soutien - plus ou moins discret et appuyé - par Beijing. C'est notamment le cas du "comité d'action pour la défense des îles Diaoyu", basé à Hong-Kong et qui s'illustra par une véritable expédition en 2006 sur les îles Diaoyutai (Senkaku en japonais), symbole des disputes territoriales en Asie du Nord-Est.

**/ Je reviendrais sur ce point à l'occasion d'un prochain billet, en reprenant notamment la question du pistage du kitty Hawk par un sous-marin chinois.

© photo: Bangkokpost (origine première U.S. Navy)

Orang Laut, la genèse d'un blog

A l'heure où Internet s'avère être un média de choix, il convient pour un apprenti chercheur de se faire connaître et reconnaître, par ses pairs, mais aussi par le public. Cette posture, qui n'a rien de narcissique, permet par ailleurs d'agrémenter le travail de publication par des réflexions et analyses quotidiennes. Doctorant en science politique, mes recherches se focalisent sur les questions de sécurité maritime, plus particulièrement en Asie Orientale.
Quant au terme Orang Laut, il s'agit littéralement des "peuples des mers" en Asie du Sud-Est: Bajau d'Indonésie, de Malaisie et des Philippines, Moken de Birmanie et de Thaïlande, etc. Nommés "Gitans" ou "nomades" des mers dans la littérature anglo-saxonne, ces peuples de marins et de pêcheurs ont souvent fascinés les chercheurs. Quel meilleur nom pour un blog traitant de géopolitique maritime asiatique que celui - certes générique - d'un mystérieux peuple de la mer...